La représentation littéraire
voici une page très intéressante sur la question : https://www.universalis-edu.com/encyclopedie/realisme-art-et-litterature/2-litterature/
ci-dessous un extrait non seulement très intéressant mais en plus particulièrement pertinent pour notre programme
REALISME - Encyclopedia Universalis - Henri Mitterand
Dans la tradition critique et la théorie littéraire, la question du réalisme a fini par coïncider avec celle d'un genre : le roman, qui tend lui-même à englober la littérature tout entière. Or la notion même de « roman réaliste » est antinomique. Par nature, le roman implique la fiction, l'invention de personnages et de situations imaginaires. Il implique aussi une construction, un ordre des faits, c'est-à-dire la négation du désordre et des aléas qui caractérisent la vie réelle, ou le réel de la vie.
Pourtant, cette étiquette a fait fortune au XIXe siècle, et encore au XXe. Les points de repère abondent. C'est Stendhal, définissant le roman comme un miroir que l'on promène le long d'une grande route. C'est Balzac, se donnant dans l'avant-propos à La Comédie humaine « un plan qui embrasse à la fois l'histoire et la critique de la Société, l'analyse de ses maux et la discussion de ses principes ». (...) Partout où la bourgeoisie industrielle édifie un empire, le roman se transforme en une chambre d'enregistrement de ses succès et de ses turpitudes, en laboratoire d'observation des types humains et des pathologies privées ou sociales qu'elle peut sécréter. (...) Le réalisme « classique» se caractérise au premier chef par une attention de principe au psychisme (réalisme des sentiments, des passions, des caractères, de la normalité et de l'anormalité psychique), aux structures et au fonctionnement de la société (réalités économiques, sociales, institutionnelles), et plus timidement, mais de plus en plus hardiment d'un siècle à l'autre, au corps et à ses pulsions.
Le personnage reçoit de ce fait trois séries de fonctions : il est d'abord le « héros » d'une aventure, l'agent d'une action ou d'une série d'actions, telles qu'en offre la vie réelle ; il est le médiateur d'un énoncé didactique sur le monde ; il assure enfin la nécessaire solidarité entre la narration des événements et des actes et la description des êtres et des choses. Et, comme sa destinée (éducation, ambitions, désirs, conquêtes, carrière, succès et revers) doit être typique, l'auteur le choisira de préférence dans une population « quelconque » : Julien Sorel, fils de petit artisan franc-comtois, Emma Bovary, fille de paysan normand et femme d'officier de santé...
Il en résulte que la structure du récit réaliste a tendance à se caler sur un modèle biographique : c'est le récit d'une vie (Maupassant : Une vie, 1883 ; Zola, La Simple Vie de Gervaise Macquart, titre primitif de L'Assommoir, 1877), sous la forme longue du roman, ou d'un épisode dans une vie dans le cas de la nouvelle. Et les moments types qui ponctuent tout « parcours narratif» (avec son défilé d'épreuves initiatiques, d'épreuves principales, d'épreuves glorifiantes) suivent tout naturellement la courbe des existences communes aussi bien que celle des destinées exceptionnelles.
Guy de Maupassant montre, dans le texte qui sert de préface à Pierre et Jean (1888), que ce que le lecteur prend pour le reflet de la réalité doit être tenu pour une « illusion réaliste» : « Faire vrai consiste à donner l'illusion complète du vrai suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession. J'en conclus que ces Réalistes de talent devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes. »
Créez votre propre site internet avec Webador